La transcription forcée d’adoption constitue une problématique juridique complexe touchant à la filiation internationale. Cette procédure intervient lorsqu’une adoption prononcée à l’étranger doit être reconnue dans le système juridique français, parfois contre la volonté d’une des parties ou malgré des obstacles légaux. Entre protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et respect des principes fondamentaux du droit français, les tribunaux naviguent dans un équilibre délicat. Ce mécanisme soulève des questions fondamentales sur la souveraineté nationale, les droits des enfants et la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères, tout en s’inscrivant dans un contexte de mondialisation des familles et d’évolution des structures familiales traditionnelles.
Cadre juridique de la transcription d’adoption internationale en droit français
La transcription d’une adoption internationale en droit français s’inscrit dans un cadre normatif à plusieurs niveaux. Au sommet de cette hiérarchie figure la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ratifiée par la France en 1998. Ce texte fondamental établit des garanties pour que les adoptions internationales se déroulent dans l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de ses droits fondamentaux.
En droit interne, les dispositions relatives à l’adoption internationale se trouvent principalement dans le Code civil, notamment aux articles 370-3 à 370-5. L’article 370-5 précise que « l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ». Dans le cas contraire, elle produit les effets de l’adoption simple.
La procédure de transcription est encadrée par plusieurs textes, dont le décret n°2022-1409 du 4 novembre 2022 relatif à la transcription des décisions étrangères en matière d’adoption. Ce processus implique l’intervention du Procureur de la République qui vérifie la régularité internationale de la décision étrangère selon les critères suivants :
- La compétence de l’autorité étrangère
- L’absence de fraude à la loi
- La conformité à l’ordre public international français
- L’absence de contrariété avec une décision française antérieure
Le contrôle de conformité à l’ordre public international français constitue le point névralgique où peuvent surgir les situations de transcription forcée. Ce contrôle s’est considérablement assoupli sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de sa jurisprudence sur le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 de la Convention).
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a apporté des modifications substantielles, notamment en renforçant les garanties dans le processus d’adoption internationale. Elle a institué une obligation d’accompagnement des candidats à l’adoption par un organisme autorisé pour l’adoption (OAA) ou par l’Agence française de l’adoption (AFA), devenue en 2022 une composante de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale.
Le service central d’état civil de Nantes joue un rôle central dans la procédure de transcription. C’est lui qui, après contrôle du Parquet, procède à la transcription effective de l’adoption étrangère sur les registres français, permettant ainsi à l’enfant d’obtenir un acte d’état civil français et éventuellement la nationalité française.
Situations typiques de transcription forcée : analyse de la jurisprudence
La transcription forcée d’adoption intervient généralement dans des contextes où les autorités françaises se montrent initialement réticentes à reconnaître une adoption prononcée à l’étranger. L’analyse de la jurisprudence révèle plusieurs configurations récurrentes où les tribunaux ont dû trancher en faveur d’une transcription malgré des obstacles juridiques apparents.
Le cas de la gestation pour autrui (GPA) constitue l’exemple le plus emblématique. Dans les affaires Mennesson et Labassée, la Cour de cassation avait initialement refusé la transcription des actes de naissance d’enfants nés par GPA à l’étranger, considérant cette pratique contraire à l’ordre public français. Mais la CEDH, dans ses arrêts du 26 juin 2014, a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants. Cette jurisprudence a contraint la Cour de cassation à évoluer, aboutissant à l’avis consultatif du 10 avril 2019 qui a ouvert la voie à l’adoption de l’enfant par le conjoint du parent biologique dans les cas de GPA.
Une autre situation concerne les adoptions homoparentales réalisées à l’étranger avant la légalisation du mariage pour tous en France. Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation a admis la transcription d’une adoption prononcée au Royaume-Uni au profit d’un couple d’hommes français, estimant que cette décision n’était pas contraire à l’ordre public international français tel qu’il avait évolué après la loi du 17 mai 2013.
Les adoptions réalisées dans des pays non signataires de la Convention de La Haye génèrent également des contentieux. L’affaire relative à des enfants adoptés en République Démocratique du Congo (TGI de Nantes, 3 février 2017) illustre comment les juges peuvent ordonner une transcription malgré l’absence de garanties procédurales internationales, en se fondant sur la réalité sociologique de la filiation et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Les adoptions intrafamiliales réalisées selon des procédures coutumières posent des défis particuliers. Dans un arrêt du 14 avril 2010, la Cour de cassation a admis la transcription d’une adoption coutumière polynésienne (« fa’a’amu »), reconnaissant ses effets malgré son caractère informel au regard du droit français.
La jurisprudence révèle une évolution constante vers un assouplissement du contrôle de conformité à l’ordre public international. Les tribunaux privilégient désormais une approche concrète centrée sur l’intérêt supérieur de l’enfant et la stabilité de sa situation familiale, plutôt qu’une application rigide des principes d’ordre public. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance de la diversité des modèles familiaux et d’adaptation du droit aux réalités sociales contemporaines.
L’influence déterminante de la CEDH
La Cour européenne des droits de l’homme a joué un rôle déterminant dans l’évolution de la jurisprudence française, notamment à travers les arrêts Mennesson c. France et Labassée c. France (2014), puis l’avis consultatif rendu à la demande de la Cour de cassation en 2019. Ces décisions ont progressivement contraint les juridictions françaises à assouplir leur position au nom du droit à l’identité des enfants concernés.
Procédure judiciaire et voies de recours pour obtenir une transcription
Lorsque la transcription d’une adoption étrangère est refusée par les autorités françaises, plusieurs voies procédurales s’offrent aux adoptants pour contester cette décision et potentiellement obtenir une transcription forcée par voie judiciaire.
La première étape consiste généralement en un recours administratif auprès du Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Nantes, autorité compétente pour contrôler la régularité internationale des décisions d’adoption étrangères. Ce recours prend la forme d’une demande motivée de réexamen, accompagnée de toutes les pièces justificatives pertinentes, notamment la décision étrangère d’adoption, sa traduction assermentée, et tout document attestant de la situation familiale réelle.
En cas de maintien du refus, les adoptants peuvent engager une action en reconnaissance de la décision étrangère devant le Tribunal judiciaire. Cette procédure, prévue par l’article 509 du Code de procédure civile, vise à faire constater par le juge français que la décision étrangère remplit les conditions de régularité internationale et peut produire ses effets en France. La compétence territoriale appartient au tribunal du lieu où demeure le demandeur ou, à défaut, au Tribunal judiciaire de Paris.
La procédure suit le circuit contentieux classique:
- Assignation de l’Agent judiciaire de l’État et du Ministère public
- Échange de conclusions entre les parties
- Audience de plaidoirie
- Délibéré et jugement
La représentation par avocat est obligatoire. Le demandeur doit démontrer que la décision étrangère remplit les conditions d’efficacité internationale:
Si le tribunal ordonne la transcription, le Parquet est tenu d’exécuter cette décision en adressant les instructions nécessaires au service central d’état civil. En cas de rejet, un appel peut être formé devant la Cour d’appel territorialement compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.
L’arrêt de la Cour d’appel peut lui-même faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois. Ce recours, limité aux questions de droit, permet de contester une mauvaise application ou interprétation des règles juridiques par les juges du fond.
Parallèlement à ces voies de recours nationales, les adoptants peuvent, après épuisement des voies de recours internes, saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour violation alléguée de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ou de l’article 14 (interdiction des discriminations) de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette démarche doit être entreprise dans un délai de quatre mois suivant la décision définitive au niveau national.
Dans certains cas spécifiques, notamment lorsque l’enfant est déjà sur le territoire français, une procédure d’adoption peut être initiée directement devant les juridictions françaises. Cette voie alternative peut parfois se révéler plus efficace que la contestation du refus de transcription, particulièrement lorsque les obstacles à la transcription paraissent insurmontables.
Les adoptants peuvent également solliciter des mesures provisoires visant à sécuriser la situation de l’enfant pendant la durée de la procédure. Ces mesures peuvent inclure la délivrance d’un titre de séjour pour l’enfant, l’attribution d’un numéro provisoire d’inscription au répertoire (NIR) permettant l’accès aux prestations sociales, ou encore la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant.
L’importance de l’expertise juridique
Compte tenu de la complexité de ces procédures et des enjeux humains qu’elles comportent, le recours à un avocat spécialisé en droit international de la famille s’avère généralement indispensable. Ce professionnel pourra non seulement guider les adoptants dans le dédale procédural, mais aussi élaborer une stratégie argumentative adaptée à leur situation spécifique, en s’appuyant sur les évolutions jurisprudentielles les plus récentes.
Considérations éthiques et intérêt supérieur de l’enfant
La question de la transcription forcée d’adoption soulève des dilemmes éthiques profonds qui mettent en tension différentes valeurs fondamentales. Au cœur de ces considérations se trouve le concept d’intérêt supérieur de l’enfant, principe directeur consacré par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui doit primer dans toutes les décisions concernant les enfants.
Ce principe se heurte parfois à d’autres considérations légitimes comme la souveraineté nationale en matière de filiation, la prévention des détournements de procédures d’adoption, ou la protection de principes d’ordre public tels que la non-marchandisation du corps humain dans les cas liés à la gestation pour autrui.
L’approche éthique de la transcription forcée nécessite une analyse au cas par cas, tenant compte de plusieurs facteurs:
- La réalité sociologique et affective du lien de filiation
- La durée de la vie familiale déjà établie
- Les conséquences concrètes du refus de transcription sur les droits de l’enfant
- L’existence ou non d’alternatives juridiques satisfaisantes
La doctrine juridique contemporaine tend à privilégier une conception concrète et pragmatique de l’intérêt de l’enfant, centrée sur ses besoins fondamentaux de stabilité affective, de sécurité juridique et d’identité. Cette approche s’éloigne d’une vision abstraite ou idéologique qui risquerait de transformer l’enfant en enjeu de débats sociétaux qui le dépassent.
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a souligné dans son Observation générale n°14 (2013) que l’intérêt supérieur de l’enfant est un concept triple: un droit substantiel, un principe juridique interprétatif fondamental et une règle de procédure. Cette conception invite les autorités judiciaires à évaluer systématiquement l’impact de leurs décisions sur les droits concrets des enfants concernés.
La question de la filiation d’origine et du droit aux origines revêt une importance particulière dans ce contexte. Si la transcription forcée peut garantir la sécurité juridique de l’enfant, elle ne doit pas pour autant conduire à l’effacement complet de son histoire personnelle et de ses origines. Un équilibre doit être trouvé entre la reconnaissance de la filiation adoptive et la préservation des informations relatives aux origines, conformément à l’article 7 de la CIDE qui garantit à l’enfant « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».
Les adoptions internationales soulèvent des questions éthiques spécifiques liées aux inégalités économiques entre pays d’origine et pays d’accueil. La transcription forcée ne doit pas cautionner des pratiques d’adoption qui s’apparenteraient à une forme de « néocolonialisme » ou qui encourageraient des filières d’adoption irrégulières. Le respect des procédures établies par la Convention de La Haye vise précisément à prévenir ces dérives.
Enfin, la dimension culturelle de l’adoption internationale mérite une attention particulière. L’intérêt supérieur de l’enfant inclut le respect de son identité culturelle d’origine et la préservation de ses liens avec sa culture natale. Les décisions de transcription forcée devraient idéalement s’accompagner de mesures visant à permettre à l’enfant de maintenir une connexion avec ses racines culturelles.
La perspective des droits humains
La Cour européenne des droits de l’homme a progressivement développé une jurisprudence qui place le droit de l’enfant à une identité personnelle stable au cœur de sa protection au titre de l’article 8 de la Convention. Cette approche fondée sur les droits humains a considérablement influencé l’évolution des pratiques nationales en matière de transcription d’adoption, favorisant une prise en compte accrue de la situation concrète de l’enfant au-delà des considérations abstraites d’ordre public.
Perspectives d’évolution et harmonisation internationale
Le domaine de la transcription d’adoption connaît des évolutions significatives qui reflètent les transformations profondes des conceptions de la famille et de la filiation à l’échelle mondiale. Ces mutations s’inscrivent dans un contexte de mondialisation des rapports familiaux et de diversification des modèles parentaux.
Au niveau européen, on observe une tendance à l’harmonisation des pratiques sous l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’arrêt Negrepontis-Giannisis c. Grèce (2011) a posé le principe selon lequel le refus de reconnaître une adoption étrangère peut constituer une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie familiale. Cette jurisprudence a conduit plusieurs États membres du Conseil de l’Europe à assouplir leurs conditions de reconnaissance des adoptions étrangères.
Le Règlement Bruxelles II ter (Règlement (UE) 2019/1111), entré en application le 1er août 2022, renforce la coopération judiciaire en matière familiale au sein de l’Union européenne. Bien qu’il ne traite pas directement de la reconnaissance des adoptions, il établit des mécanismes de coopération qui pourraient inspirer de futures avancées dans ce domaine. La Commission européenne a d’ailleurs lancé une réflexion sur l’opportunité d’un instrument spécifique relatif à la circulation des décisions d’adoption au sein de l’Union.
Sur le plan international plus large, la Conférence de La Haye de droit international privé travaille à l’amélioration de la mise en œuvre de la Convention de 1993. Le Guide de bonnes pratiques n°1 publié en 2008 et régulièrement mis à jour fournit des orientations aux États pour harmoniser leurs pratiques. Un projet de convention sur la reconnaissance des adoptions étrangères a été évoqué pour compléter le dispositif existant.
Plusieurs réformes nationales récentes témoignent d’une volonté d’adaptation aux réalités contemporaines:
- En France, la loi du 21 février 2022 a réformé l’adoption en simplifiant certaines procédures et en ouvrant l’adoption aux couples non mariés
- En Italie, la Cour constitutionnelle a rendu en 2021 une décision invitant le législateur à adapter le droit de la filiation aux nouvelles réalités familiales
- En Allemagne, une réforme du droit de la filiation est en préparation pour mieux prendre en compte les familles recomposées et homoparentales
Ces évolutions législatives et jurisprudentielles s’accompagnent d’une transformation des pratiques administratives. Dans plusieurs pays, dont la France, on observe un assouplissement progressif des contrôles exercés par les autorités centrales sur les adoptions internationales, au profit d’une approche plus centrée sur l’accompagnement des familles et la sécurisation des parcours d’adoption.
Le développement des technologies offre de nouvelles perspectives pour faciliter la coordination internationale en matière d’adoption. La mise en place de registres électroniques sécurisés et de systèmes d’échange d’informations entre autorités centrales pourrait à l’avenir fluidifier les procédures de reconnaissance et prévenir certains contentieux liés à la transcription.
Toutefois, ces avancées se heurtent à des résistances significatives. Certains États maintiennent une conception stricte de leur souveraineté en matière de filiation et restent réticents à reconnaître automatiquement des modèles familiaux qui s’écartent de leurs traditions juridiques. Cette tension entre ouverture internationale et préservation des spécificités nationales constitue l’un des principaux défis pour l’avenir de la transcription d’adoption.
Le rôle croissant du droit souple
Face aux difficultés d’harmonisation formelle, le droit souple (soft law) joue un rôle croissant dans l’évolution des pratiques. Les recommandations du Comité des droits de l’enfant, les lignes directrices élaborées par des organisations internationales comme l’UNICEF, ou encore les chartes de bonnes pratiques développées par des réseaux professionnels contribuent à façonner progressivement un consensus international sur les standards minimaux applicables en matière d’adoption internationale.
L’impact humain des décisions de transcription : témoignages et expériences vécues
Au-delà des considérations juridiques, la transcription forcée d’adoption touche à la vie intime des familles et au développement des enfants concernés. Les témoignages recueillis auprès de familles ayant traversé ces procédures révèlent la dimension profondément humaine de ces enjeux juridiques.
Le parcours d’attente et d’incertitude juridique constitue une épreuve psychologique majeure pour les parents adoptifs. Marie et Thomas, parents de deux enfants adoptés en Haïti, décrivent « trois années d’angoisse permanente » durant lesquelles le statut juridique de leurs enfants est resté en suspens. « Nous vivions dans la crainte constante que nos enfants puissent nous être retirés ou qu’ils ne puissent pas nous accompagner lors de déplacements internationaux », témoignent-ils. Cette précarité juridique génère un stress chronique qui peut affecter la qualité des relations familiales et le sentiment de sécurité nécessaire à la construction des liens d’attachement.
Pour les enfants eux-mêmes, l’absence de transcription peut entraîner des conséquences concrètes sur leur vie quotidienne. Léa, adoptée à l’âge de 4 ans en Russie et dont l’adoption n’a été transcrite qu’après une longue procédure judiciaire, raconte: « À l’école, je ne pouvais pas participer aux voyages scolaires à l’étranger. Quand mes camarades me demandaient pourquoi, je ne savais pas quoi répondre. » Ces situations créent des formes de discrimination vécue qui peuvent affecter le sentiment d’appartenance sociale de l’enfant.
Les professionnels de l’enfance soulignent l’impact de cette incertitude juridique sur le développement identitaire. Dr. Sophie Martin, pédopsychiatre spécialisée dans l’accompagnement des familles adoptives, observe: « L’identité se construit notamment à travers la reconnaissance sociale et juridique. Lorsque cette reconnaissance est différée ou contestée, certains enfants développent un sentiment de précarité identitaire qui peut se manifester par des troubles de l’attachement ou des difficultés d’affirmation de soi. »
Les associations de parents adoptifs jouent un rôle crucial dans le soutien aux familles confrontées à des refus de transcription. Enfance & Familles d’Adoption (EFA) propose des groupes de parole et un accompagnement juridique aux familles concernées. Anne Berger, présidente d’une antenne départementale, souligne l’importance de la solidarité entre parents: « Le partage d’expériences permet non seulement de mutualiser les stratégies juridiques efficaces, mais aussi d’offrir un soutien émotionnel indispensable dans ces moments d’incertitude. »
Les témoignages de réussite montrent l’impact positif d’une transcription obtenue après un parcours judiciaire. Philippe et Laurent, pères d’un enfant adopté aux États-Unis en 2012, dont la transcription a été initialement refusée puis ordonnée par la Cour d’appel en 2016, évoquent « un sentiment de légitimité enfin reconnu » et « la possibilité de se projeter sereinement dans l’avenir familial ». Pour leur fils Noah, aujourd’hui adolescent, l’obtention de papiers d’identité français a représenté « une confirmation que j’appartiens pleinement à cette famille et à ce pays ».
L’impact des décisions de transcription s’étend au-delà du cercle familial immédiat. Les grands-parents, oncles et tantes, et autres membres de la famille élargie vivent également les conséquences de cette incertitude juridique. Martine, grand-mère d’une petite fille adoptée en Éthiopie, témoigne: « Tant que l’adoption n’était pas reconnue en France, j’avais cette crainte irrationnelle mais tenace qu’on puisse considérer que je n’étais pas vraiment sa grand-mère. »
Ces témoignages mettent en lumière l’importance de considérer la dimension temporelle dans les procédures de transcription. Chaque année d’incertitude juridique correspond à une période significative du développement de l’enfant. Les magistrats prennent de plus en plus en compte cette réalité, comme en témoigne ce passage d’un jugement du Tribunal judiciaire de Paris (2020): « La stabilité juridique du lien de filiation constitue un élément fondamental du développement psychoaffectif de l’enfant, justifiant que soit privilégiée une solution rapide et définitive. »
L’accompagnement psychosocial des familles
Face à ces enjeux humains, plusieurs initiatives d’accompagnement psychosocial se sont développées. Des consultations spécialisées pour les familles adoptives sont proposées dans certains centres hospitaliers universitaires. Des protocoles de médiation entre les familles et les administrations ont été expérimentés dans plusieurs départements. Ces dispositifs témoignent d’une prise de conscience croissante de la nécessité d’une approche globale, juridique et psychosociale, des situations de transcription controversée.
Les expériences vécues par ces familles montrent que derrière les débats juridiques abstraits sur la transcription forcée d’adoption se cachent des réalités humaines complexes, où l’intérêt supérieur de l’enfant se mesure avant tout à l’aune de son bien-être quotidien et de son développement harmonieux au sein d’une famille juridiquement reconnue et sécurisée.